lundi 6 mars 2017

"My Scientology Movie" avec Louis Theroux vs "Elle" sans Paul Verhoeven


Que peuvent bien avoir en commun ces deux films à facture si étrangère ? L'athéisme? Une vision flegmatique et une autre cynique d’un monde sans Dieu ?

Lui - Louis Theroux - y croit peut-être encore à ce chemin de croix qui donnerait accès un monde sans illusion, sans Hollywood.

Elle, elle est nulle et encore moins que cela dit-elle, en dessous de la ceinture et bien au-delà d’un thriller érotique basic. Elle est sans foi ni loi.

Ne sont-ils pas tous deux déconnectés du réel ? Le documentaire de l'un est une œuvre de fiction sur une religion qui n'en est pas une et le film de l'autre n’est qu’un étrange document visuel sur l’état inquiétant d’une société accro à la fiction.

Dans ces deux cas cliniques, je vois des mondes en-deçà de la réalité où je finirais par me perdre, de multiples niveaux d’interprétations dont le sens n’aurait de cesse d’être insondable et le game over inaccessible.

J’y cherche l’Humain d’abord, mais faute de le trouver, je me dis souvent que ce serait mieux s’ils s’en allaient tous, tous ces faiseurs de rêves et de cauchemars. Perdrais-je la foi en le cinéma, cette machine à songes qui emporte mes sens parfois, mais me claque la porte au nez quand le réel se fait trop sentir ? Comme Elle, je questionne toutes ces images aussi proches de ma réalité soient-elles, mais ce ne sera (mal)heureusement pas la violence qui leur donnera substance.

Le héros de "My Scientology Movie" est un paria, une ancienne sainteté du dernier sanctuaire des déçus de toute autre transcendance, qui a explosé après que son maître ait lui-même pété une durite et quelques mâchoires. Il a quitté le navire sectaire et est revenu sur terre pour s’embarquer dans ce projet de reconstitution d’une douleur réelle avec le guru très british du documentaire. Rejouer et revivre par l’entremise de la fiction cette scène d’une violence décisive où, malgré son long entraînement à maîtriser toute émotion, il a tout lâché. Et tout cela ponctué des regards bienveillants et des pieux silences du divin Louis Theroux.

L’héroïne, Elle, est Isabelle Huppert, presque belle, presque désirable, une fleur fanée qui pique, se déchire et traite ses employés, ses amants, ses proches, son fils, tout son monde avec condescendance. Elle donne et encaisse les coups sans broncher, presque avec le sourire. Elle ne verse pas une larme pour son réalisateur, son maître, qui de film en film, s’enferme dans une carcasse où l’émotion ne transperce plus. L’amour, il n’y croit pas ou n’y croit plus, si ce n’est peut-être sans violence, sans rixes, sans vie, sans homme.

Supprimer l’émotion par tous les moyens de coercition possibles pour mieux la contrôler. Devenir insensible à cette souffrance ambiguë d’être à la fois mortel et infini. Serait-ce le thème commun de ces deux films? Quelle serait donc cette affliction dans la vie du Louis adolescent qui fit trembler l’aiguille du temps et cette émotion fébrile et souvent inattendue que les scientologistes ne sont pas les seuls à vouloir pulvériser à coups de poings, de dogmes et de gifles ? Quelle serait donc cette folie qui me donne la force d’avancer un pas après l’autre, à chaque jour sa peine, sa joie?

La possibilité d’une île lointaine peut-être où se languirait une tortue rouge.

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