mardi 29 mars 2011

"La Grotte des rêves perdus" de Werner Herzog


J’ai dû lutter pour ne pas m’endormir devant cette exploration en trois dimensions de la grotte de Chauvet. Nous pourrions à juste titre nous demander si cela ne faisait pas partie du dessein de Werner Herzog de nous plonger dans les rêves des premiers hommes, dans un état de somnolence, pour admirer la beauté hypnotique, radicale,  si actuelle de peintures vieilles de près de trente mille ans. Si un temps abyssal nous sépare de l’ « homo spiritualis », Werner Herzog nous rappelle combien son esprit est toujours là, vivant, vibrant sous la lumière crue et froide de notre civilisation dite moderne. Que nous apprend-il, cet homme d’un autre temps ? Justement rien. Le mystère de son imaginaire reste entier, à la fois fascinant et insaisissable. Pourtant un insert dans le documentaire, un indice presque anodin, mais puissant dans sa force d’évocation, son contraste, son noir et blanc, colore magnifiquement le propos, la vision, de Werner Herzog : Fred Astaire dansant avec son ombre. A cet instant la grotte devient une lanterne magique, le théâtre des rêves des premiers hommes que j’imagine danser au milieu des chevaux, des rhinocéros et des lions. Si en ce temps primordial l’homme était un des animaux les plus faibles, il trouva peut-être dans cette grotte, son imaginaire, un moyen de satisfaire ses rêves de puissance, son désir irrésistible de trôner au sommet de l’évolution, de devenir un lion. L’histoire de l’homme, du premier au dernier, pourrait être ainsi celle d’une revanche sur la vie, une vie qu’il faut sans cesse surmonter, contrôler, dominer tout en la laissant s’exprimer, grandir, dominer la main qui peint et arracher une larme à l’œil qui admire. Nous imaginons aisément le premier homme s’arrêter un instant de vivre, après avoir justement laissé la vie dessiner ses rêves de gloire, pour enfin apprécier sa propre représentation danser sur les murs de la grotte de Chauvet.  Nous imaginons aussi bien l’homme moderne assis confortablement dans une salle de cinéma, s’arrêtant un temps de vivre pour voir sa propre vie s’animer sur l’écran et se rassurer d’être bien vivant.

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