Tout débute par
un rêve, une pluie de passereaux, la chute d’un étalon, des scènes au ralenti,
deux femmes et un enfant, plan où l’équilibre est parfait, mais où l’homme est
absent. Il regarde. Il essaie de donner un sens à une pensée folle. Il est
cette planète lancée à grande vitesse dans le vide sidéral, mais le choc avec
l’humanité ne sera pas fatal. Il n’aura même pas lieu. Lars Von Trier n’y croit
pas vraiment et se force à plonger son film dans le néant. Cette pensée folle,
au fond, il ne l’accepte pas car il ne la comprend pas. Et c’est sans nul doute
de ce désir de donner sens à cette vision brute, vague souvenir d’un songe
incompréhensible, qu’est né ce film. Froid comme l’art abstrait, détaché comme la
mariée, sec comme sa sœur, naïf comme le mari déçu, dogmatique comme le
beau-frère, cynique comme le patron vénal, Lars Von Trier est ce qu’il dénonce.
Incapable de voir au-delà de la surface sensible, il creuse comme un acharné le
cœur des hommes qu’il ne sait pénétrer de sa raison. En diabolisant le monde et
en dénigrant l’humanité, Lars Von Trier fait preuve de peu de foi en la magie
du cinéma et la fée qui l’anime, la vie. Si comme Justine, la future ex-mariée,
il pense être convaincu de notre solitude éternelle et de notre fin inéluctable,
pourquoi ne se mure-t-il pas dans le silence ? Parce qu’il veut continuer,
à vivre, à filmer les seins plantureux de Kirsten Dunst, le visage déchiré de
Charlotte Gainsbourg, la vanité de Kiefer Sutherland, les facéties de John
Hurt, l’amertume de Charlotte Rampling. Parce qu’il veut rendre compte de ses
rêves, de l’invisible, comme ses maitres, Bergman, Tarkovsky, Fellini. Cela ne
sert à rien de déconstruire le monde et de chercher le néant dans le noir de sa
pensée. Le cinéma est fait de lumière et Dieu sait qu’elle est belle dans
Melancholia ! Que Lars Von Trier brise le carcan de son intellect, de ses
dogmes, et qu’il laisse enfin la vie s’épanouir pleinement sur l’écran, celle
qu’il chérit tant, tout comme ses actrices, toutes les femmes de sa vie et
celle qu’il, entre toutes, aime à la folie : l’humanité.
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