dimanche 6 mars 2011

"La Randonnée" de Nicolas Roeg



‘Rien ne va plus’ dit une voix au début du film. Sydney est bruyante, agitée, moderne. Une femme prépare un déjeuner, des fruits, à emporter pour son mari et ses enfants. Le père regarde son fils et sa fille batifoler dans la piscine de la résidence. Tout semble normal et pourtant rien ne va plus pour ce père et ses enfants dont un pique-nique surréaliste en plein désert australien prend un tour tragique. Le père tente vainement de mettre fin à leurs jours avant de mettre effectivement fin aux siens. Le geste est inexpliqué. On imagine une frustration, un désir insatisfait qui, avant le drame, semblait glisser irrémédiablement sur les cuisses nues de l’adolescente. Le suicide du père, comme un coup de tonnerre en plein jour, lance le film, le parcours initiatique de la jeune fille et de son jeune frère dans un milieu hostile qui leur est étrangement clément. Du bruit à la lumière, ils quittent la civilisation et s’en vont vers le soleil couchant. Sur leur chemin, ils rencontrent un aborigène qui leur redonne la joie de vivre, de chasser pour manger à leur faim, de continuer leur route. Il éveille aussi chez l’adolescente des désirs d’une toute autre nature, désirs dans lesquels elle pourrait laisser sombrer sa conscience en toute innocence, mais qu’elle préfère laisser glisser irrémédiablement dans le souvenir, celui d’une enfance perdue. Ne pouvant conquérir le cœur de la jeune fille, ce monde étranger qu’il voit briller dans ses yeux bleus, cette vie effrénée qui semble avoir oublié ses racines, le jeune aborigène, homme enfant, s’évanouit dans la nature après avoir permis à cette aventure de survivre et de s’achever à Sydney, là où elle avait commencé. L’adolescente est devenue femme maintenant, a pris la place de sa mère préparant le déjeuner, de la viande, et se souvient de son innocence perdue. D’une frustration est né un désir d’en finir, une rage de vivre ; de ses yeux bleus est né le cinéma. Du bruit à la lumière, sur ces mots ce termine le film : ‘Rien ne va plus’; et la roue, la pellicule, tourne sans fin.

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