vendredi 6 janvier 2017

"La loi du marché" de Stéphane Brizé


La loi du marché de Stéphane Brizé se termine sur Black Sands de Bonobo, une musique à la fois moderne et désuète. Son film précédent, Quelques heures de printemps, se finissait sur un morceau envoûtant de Warren Ellis et Nick Cave composé pour un autre film, L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. Tout ça pour dire que les héros de Stéphane Brizé retiennent souvent leurs émotions jusqu'à ce qu'elles nous emportent dans une envolée lyrique inattendue.

Ce choix musical qui pourrait paraître incongru dans un film dit 'social' fait exploser le cadre de ce cinéma vérité dont les frères Dardenne sont devenus les chantres les plus médiatisés. Ces metteurs en scène du quotidien déploient des efforts surhumains pour coller à la réalité, éviter les écueils de la surenchère, de la dramatisation, du mélo, de la fiction, du cinéma hollywoodien somme toute. Pas ou peu de musique; des acteurs de la 'vraie vie'; unité de lieu, de temps et d'action. Il faut se contenter de peu pour capter la vérité et d'un rien pour sombrer dans l'ennui.

Cette réalité cinématographique, à laquelle le personnage de Vincent Lindon et le spectateur se confrontent dans La loi du marché, fait l'effet d'une douche froide. Elle nous coupe le souffle et nous empêche d'exploser en pleurs. Elle désenchante et abrutit. Cette réalité des dialogues désabusés avec l'administration de Pôle Emploi, des entretiens d'embauche humiliants, des interminables vidéos de surveillance, des fins de mois impossibles à boucler, des joies tristes, des larmes sèches; cette réalité, aussi juste et poignante soit-elle, nous laisse K.-O.

Comme ce héros de ce cinéma sans effet spécial, nous voulons nous enfuir, porté par la musique moderne et désuète de Bonobo, et nous précipiter dans l'écran noir, là où notre imaginaire recouvre sa liberté et s'envole vers des histoires extraordinaires, des personnages larger than life, des galaxies far, far away.