samedi 5 août 2017

"Blade Runner 2049" de Denis Villeneuve


Peut-on critiquer un film que l'on n'a pas vu? Il est rare qu'un auteur - qu'il soit de cinéma ou de tout autre chose - sache se réinventer. Que l'on soit génial ou médiocre, on ressasse la même histoire, de l'enfance fantasmée à la vieillesse si redoutée. 

Denis Villeneuve raconte des histoires uniques qui n'en font qu'une, une histoire de famille qui se répète de film en film. D'un drame sanguin à un thriller terreux, que l'enfance soit déchirée, sacrifiée ou préservée, il sérine la même chanson dont seules la mélodie et la rythmique changent d'un air à l'autre. 

Persuadé de se renouveler ne se rend-il pas compte qu'il ne fait qu'approfondir son oeuvre cinématographique? N'aurait-il seulement le désir de la bâtir s'il savait qu'un nouvel amour n'était que la réminiscence d'un ancien? En tout cas elle ne saurait se compromettre dans les interminables compromis commerciaux imposés par la Warner, et je n'ai aucun doute que Blade Runner 2049 sera un film sur l'enfance d'un petit chef-d'oeuvre de science fiction qui échappa lui-même à son auteur, Ridley Scott.

Alors oui on peut critiquer ce que l'on n'a pas vu tant que l'on s'efforce d'imaginer la variation nouvelle d'une vieille antienne.

Le film de Ridley Scott n'a pas grand-chose à voir avec le roman dont il s'inspire. Il s'attarde sur ce fantasme de l'homme moderne de donner une âme à des machines alors qu'il doute lui-même d'en avoir une. C'est cet homme qui veut prendre la place de son createur que Ridley Scott méprise. Que cela soit en 1492, 2019 ou 2049, il n'explore pas seulement de nouvelles terres celluloïdes, mais son propre dédain pour une humanité mue par cette force monstrueuse, dévorante et baveuse - la vie - qui n'engendre que destruction. Il se propose sans état d'âme de l'avorter au sens propre et figuré tout au long de son sinueux chemin de croix cinématographique.

Denis Villeneuve a quant à lui consacré son dernier opus à sauver une vie condamnée à ne faire sens si ce n'est dans les détours extraordinaires de la science fiction. Qu'elle soit brisée ou éphémère, ses films sont des odes à la vie.

Un misanthrope et un philanthrope unissent ainsi leurs contradictions pour répondre aux questions qui hantent des hommes orphelins de toute transcendance. 

Le monde ne se porterait-il pas mieux si l'homme cédait sa place à un robot dénué de cette puissance contre-nature qui le pousserait à sacrifier le monde où il est venu pour conquérir celui où il n'ira jamais?

Le monde ne se porterait-il pas mieux si l'homme abandonnait ses rêves d'immortalité dont celui d'animer des intelligences si artificielles?

Le monde ne se porterait-il pas mieux si l'homme ne se prenait plus pour son propre créateur et acceptait sans broncher sa condition d'ouaille corvéable à merci qu'elle soit électrique ou non?

Le monde du cinéma enfin ne se porterait-il pas mieux si les studios hollywoodiens cessaient de ressasser les mêmes histoires?

Je ne doute pas que Blade Runner 2049 répétera maladroitement comme un enfant l'histoire qui fut à l'origine d'un succès critique et commercial inattendu. Je ne doute pas non plus qu'il échappera à son auteur, son producteur et la Warner telle une créature se jouant de son créateur. Sa beauté formelle qui transpire de sa bande-annonce fait rêver d'un film qui crèvera l'écran pour en révéler la mécanique morphéenne.

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