samedi 19 juillet 2014

"Interstellar" de Christopher Nolan


La mise en orbite d’Interstellar est imminente. Alors que Christopher Nolan se tourne vers les étoiles et que le spectateur s’attend à un nouveau déluge d’effets spéciaux, le temps semble propice à rester chez soi et à jeter un œil aux origines de son œuvre cinématographique.

L’infini, il connait: histoires qui tournent en boucle, personnages qui tournent en rond. Following, film fauché, compliqué, névrosé et raté portait en lui les germes du succès futur d’un des réalisateurs les plus talentueux de sa génération : scénario « poupée russe », héros perdu dans des faux-semblants, ambiance étouffante, image léchée, tous les ingrédients y était, mais la sauce ne prit pas. 

Elle prendra au film suivant, Memento, co-écrit avec son frère, Jonathan Nolan, ainsi que la plupart de ses autres triomphes critiques et commerciaux. Memento est le film sans mémoire d’un metteur en scène issue d’une époque qui ne se souvient plus ou qui veut oublier : l’histoire des hommes, ce qui les lie, leur Destin commun. 

Il le cherche pourtant dans chaque film, y met toute son énergie, toute sa créativité. Son incapacité à transcender est touchante. Son désir de toucher l’invisible est contagieux et avec lui nous espérons qu’au-delà des cliffhangers à répétition, nous découvrirons ce qu’il manque à Christopher Nolan pour saisir ce rien qui fait un tout. Hitchcock, Bergman, Tarkovski, Kubrick, Russell, Roeg, Cronenberg, Allen, Lynch, Soderbergh, Cameron y sont bien arrivés. Pourquoi pas lui ? Que lui manque-t-il pour s’élever au-dessus de cette foule de réalisateurs qui se sont essayés à la science-fiction et au fantastique sans jamais ou rarement réussir à pénétrer le secret de leurs maîtres : Scorcese, De Palma, Lucas, Scott, Spielberg, Verhoeven, Wachowski, Aronofsky, Niccol, Snyder, Abrams, Jones, Edwards, Cuarón. La liste est longue, interminable et ennuyeuse. 

Que fait défaut à ces metteurs en scène prodiges pour s’affranchir du monde des images ? Une culture littéraire ? Une profondeur que la caméra ne saura jamais atteindre. Ces mots qui lient les hommes aux delà des apparences et déjouent les clichés même lorsqu’ils sont tus. 

Une culture musicale ? Ce souffle insaisissable qui ébranle les cœurs les plus insensibles. Ce liant qui fait oublier que le cinéma est discontinu, un roman-photo, un tour de magie souvent sans prestige. 

Un art du cadre ? Une structure pour nos vies insensées, une digue contenant le débordement de nos passions. Cette fenêtre sur l’infini, Christopher Nolan n’en a pas encore scié les barreaux. Son enferment est mental. Un labyrinthe de verre et de miroirs. Une profusion de reflets où le regard d’une femme pourrait laisser penser à une possible échappatoire : Qu’elle soit mure (Lucy Russell), froide (Carie-Anne Moss), sensuelle (Scarlett Johansson), ingénue (Maggie Gyllenhaal), adolescente (Ellen Page) ou, cette fois-ci, enfant (Mackenzie Foy), partageons l’espoir que dans ce dernier regard qui renvoie tout homme à ses origines, Interstellar prendra son envol et déploiera son imaginaire dans des cieux inexplorés. Nous pouvons toujours rêver.

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