lundi 9 septembre 2013

"Only God Forgives" de Nicolas Winding Refn


Il n’y a que Dieu qui pardonne. Les hommes eux ne pardonnent rien. Ils ont du sang sur les mains depuis belle lurette, le premier crime étant celui d’une mise au monde et le reste un enchainement de petites morts.

Pas de pitié. Pas plus pour ses personnages que pour ses spectateurs. Nicolas Winding Refn ne veut pas prendre le sujet de son film à bras le corps. C’est quoi le sujet ? Celui qui hante le cinéma depuis toujours? N’en parlons-pas. Pas encore. Il ne veut pas en parler. Il ne sait pas quoi en dire. Il ne veut pas balbutier des banalités. Il ne veut pas se salir les mains. Il préfère se les faire trancher. Pour nous ce serait le soulagement. Ce serait vite réglé. Après un quart d’heure de torture, nous pourrions aller siroter une limonade à la terrasse d’un café et attendre que la vie nous surprenne au coin d’une rue, au détour d’un regard. 

Et bien non. Nicolas Winding Refn veut nous faire subir jusqu’au dégoût son impuissance à filmer une scène d’Amour, cette scène qui faisait déjà défaut à son film précédent. La sensualité du début de Drive était certes séduisante. Ryan Gosling n’y disait pas grand-chose, mais nous étions suspendus à ses lèvres dans l’attente qu’elles s’unissent à celle de Carey Mulligan. Mais la violence éclaboussa l’écran. 

Le sexe est-il si anti-cinématographique ? Serait-il si réel qu’il nous arracherait de la fiction, elle qui se voudrait plus réelle que le réel? Il embarrasse en tout cas la plupart des réalisateurs, même les plus grands. Reste le sang. Le sang serait alors la solution cinématographique pour montrer ce que nous n’osons regarder. Figurer l’invisible, exprimer l’ineffable. Et le sang étant si peu versé dans nos vies protégées fort heureusement de ses effusions, il incarne assez facilement la couleur de l’impossible, de l’impensable. Il est magique. Quand il s’écoule, notre souffrance - notre vie – semble réelle. 

Vraiment? Comme tout tour de magie, ce n’est qu’une illusion. Nous aimons y croire sans y croire. Nicolas Winding Refn n’y croit pas du tout. Shut! Ça lui fait mal. Il ne peut pas en parler. Pas touche! La blessure est vive. L’invisible n’est pas à sa portée. Il lui fait violence pour qu’il crève l’écran. Nicolas Winding Refn le cherche avec rage dans ses entrailles, mais ne fait que déchirer l’écran et nous martyrise jusqu’à l’épuisement. Il nous retire tous nos sens jusqu’à il n’y ait effectivement plus rien à ressentir, plus rien à voir, plus rien à dire, plus rien à aimer. L’invisible ne nous est plus accessible. 

Son film saigne, mais sa souffrance n’est pas réelle car la réalité de toute souffrance est un torrent de larmes. Certains diront que c’est beau tout de même, que la beauté seule peut émouvoir. La Thaïlande c’est rarement laid. De ses néons à sa jungle, c’est difficile de se rater. Si seulement il avait chopé cette fièvre tropicale qui aurait donné du fond à son film au lieu de le toucher. 

Nicolas Winding Refn serait-il un réalisateur qui aurait mal tourné? Il a clairement mal négocié son virage après Drive. Une sortie de route pourrait peut-être le remettre sur la bonne. Maintenant qu’il a assouvi ses désirs œdipiens, il pourrait enfin embrasser son sujet, celui avec un grand A, et pénétrer cet invisible qu’il n’ose regarder dans les yeux. Si Dieu existe il ne pardonnerait surement pas qu’on s’enivre de son sang sans jouir de son corps. De la tendresse, bordel!

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