lundi 19 novembre 2012

"Amour" de Michael Haneke


On mesure généralement à tort ou à raison la qualité d’un film à la quantité d’émotions qu'il peut procurer au spectateur. Les rires tonitruants. Les chaudes larmes. Il m’est arrivé de sourire lors de certaines scènes d’Amour, de m’identifier aussi et de penser avec tristesse à la perte d’un être cher. Je n’ai pas pleuré, mais j’ai ressenti à un moment un frisson rare dans le cinéma de ce réalisateur qui interpelle le plus souvent notre intelligence. Cette réaction inattendue de mon corps s’est manifestée lors de la séquence des tableaux à l’huile. Ces paysages de campagnes et de rivages, ces fenêtres qui ouvrent sur notre imaginaire ont rappelé  à mon souvenir un des premiers plans du film, celui du cadavre de la femme maculé de fleurs des champs, un plan parfait, magnifique, d’une beauté ineffable. Ce premier plan a été un choc visuel qui, par sa brièveté, sa violence, sa force a parlé avant tout à ma raison. Il m’a dit que la mort était là, dans cette maison. Elle rode encore dans ma mémoire, me hante et comme cette femme qui peu à peu perd conscience, comme cet homme qui progressivement perd pied avec le réel, ce plan initial, annonciateur de la fin, a grandi en moi pour enfin me faire comprendre qu'elle n’aurait pas lieu. Quand la mort pénètre la demeure d’Anne et Georges, l’appartement est vide : l’Amour a déjà recouvré sa liberté, emporté par la folie.