On mesure généralement à tort ou à raison la qualité d’un film à la quantité d’émotions qu'il peut procurer au spectateur. Les rires tonitruants. Les chaudes larmes. Il m’est arrivé de sourire lors de certaines scènes d’Amour, de m’identifier aussi et de penser avec tristesse à la perte d’un être cher. Je n’ai pas pleuré, mais j’ai ressenti à un moment un frisson rare dans le cinéma de ce réalisateur qui interpelle le plus souvent notre intelligence. Cette réaction inattendue de mon corps s’est manifestée lors de la séquence des tableaux à l’huile. Ces paysages de campagnes et de rivages, ces fenêtres qui ouvrent sur notre imaginaire ont rappelé à mon souvenir un des premiers plans du film, celui du cadavre de la femme maculé de fleurs des champs, un plan parfait, magnifique, d’une beauté ineffable. Ce premier plan a été un choc visuel qui, par sa brièveté, sa violence, sa force a parlé avant tout à ma raison. Il m’a dit que la mort était là, dans cette maison. Elle rode encore dans ma mémoire, me hante et comme cette femme qui peu à peu perd conscience, comme cet homme qui progressivement perd pied avec le réel, ce plan initial, annonciateur de la fin, a grandi en moi pour enfin me faire comprendre qu'elle n’aurait pas lieu. Quand la mort pénètre la demeure d’Anne et Georges, l’appartement est vide : l’Amour a déjà recouvré sa liberté, emporté par la folie.
lundi 19 novembre 2012
"Amour" de Michael Haneke
On mesure généralement à tort ou à raison la qualité d’un film à la quantité d’émotions qu'il peut procurer au spectateur. Les rires tonitruants. Les chaudes larmes. Il m’est arrivé de sourire lors de certaines scènes d’Amour, de m’identifier aussi et de penser avec tristesse à la perte d’un être cher. Je n’ai pas pleuré, mais j’ai ressenti à un moment un frisson rare dans le cinéma de ce réalisateur qui interpelle le plus souvent notre intelligence. Cette réaction inattendue de mon corps s’est manifestée lors de la séquence des tableaux à l’huile. Ces paysages de campagnes et de rivages, ces fenêtres qui ouvrent sur notre imaginaire ont rappelé à mon souvenir un des premiers plans du film, celui du cadavre de la femme maculé de fleurs des champs, un plan parfait, magnifique, d’une beauté ineffable. Ce premier plan a été un choc visuel qui, par sa brièveté, sa violence, sa force a parlé avant tout à ma raison. Il m’a dit que la mort était là, dans cette maison. Elle rode encore dans ma mémoire, me hante et comme cette femme qui peu à peu perd conscience, comme cet homme qui progressivement perd pied avec le réel, ce plan initial, annonciateur de la fin, a grandi en moi pour enfin me faire comprendre qu'elle n’aurait pas lieu. Quand la mort pénètre la demeure d’Anne et Georges, l’appartement est vide : l’Amour a déjà recouvré sa liberté, emporté par la folie.
samedi 11 août 2012
"Promotheus" de Ridley Scott
Une scène de Blade Runner me revient à la
mémoire : Le personnage joué par Harrison Ford force, dans la pénombre de
son appartement, une jeune femme à sortir de sa frigidité robotique. En se
donnant à lui, elle risque sa vie. Dès les premiers signes d’abandon, un
mécanisme d’auto-destruction se met à l’œuvre au cœur de ses circuits. Elle est condamnée à s’éteindre au bout de quatre années. La mort est annoncée. Tel
est le prix à payer pour vivre comme les autres. Elle le sait. Elle a peur. Lui
ne pense qu’à son désir de la posséder. Il la saisit. Elle cherche à s’enfuir
de son emprise. Il claque la porte et lève les mains comme un prédateur
subjuguant sa proie avant de la dévorer. Il y a quelque chose d’étrange dans
cette scène : une brutalité et un manque cruel de sensualité. Ce qui n’est
pas connu du spectateur à ce moment précis du film, c’est que cette scène, où
l’humanité de ces deux personnages semble forcée, se déroule justement entre
deux robots. Quel est donc le sens de ce désir de fusion entre deux êtres qui
ne peuvent se reproduire ? Un défaut de fabrication ?
L’auto-destruction serait-elle au cœur de leur vie programmée, le suicide au
centre de la cinématographie de Ridley Scott? La vie y engendre la destruction
comme ces corps qui enfantent des Aliens.
Incontrôlable, incompréhensible, elle est un feu qui réduit en cendres toutes
les ambitions humaines, dont celles de ce réalisateur de s’élever au niveau de
son maître Stanley Kubrick. Il est difficile de ne pas comparer Promotheus et 2001 Odyssée de l’Espace : le survol de notre planète comme
une terre étrangère, la solitude de la station spatiale, le meurtre au cœur de la
condition humaine, la quête éperdue de ses origines. Le mal est pour
Scott cette vie qui nous échappe, cet
Alien, ce corps étranger, ce virus sexuellement transmissible dont le
personnage féminin principal de Prometheus
se débarrasse par un auto-avortement. Si pour Kubrick l’humanité s’exprime dans
ce geste radical du singe qui fracasse le crane de son semblable, lance son
arme au ciel et son regard vers l’infini, chez Scott elle est une erreur de la
création qu’il serait presque tenté de rayer d’une croix. Pour s’élever
au-dessus des hommes, il faut, malgré leurs erreurs, leur cruauté, leur vanité,
leurs errances, commencer par les aimer et toujours croire que son salut ne se
situe nulle part ailleurs que dans le prochain. Ainsi parlait Zarathoustra.
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