samedi 19 novembre 2011

"Il était une fois en Anatolie" de Nuri Bilge Ceylan


A peine visible dans la pénombre, elle est bien là pourtant, elle vibre. Son ombre plane et parfois quelques éclairs trahissent sa présence. Le monde somnole, s’endort, s’enfonce dans la nuit et c’est alors qu’elle surgit, s’avance avec grâce, tenant la lumière des hommes dans ses doigts délicats. Belle et diaphane comme un fantasme, elle persiste à peine sur les rétines, abandonnant les spectateurs à leur émerveillement, ne leur laissant pas le temps de la saisir, de sonder son mystère. L’enfance s’est envolée comme une feuille d’automne emportée par le vent de l’ignorance, préservée de nos mains avides de la réduire en poussière.

"Restless" de Gus Van Sant


L’adolescence est ce temps où tous les débordements, tous les écarts de conduite, tous les clichés sont encore permis ; ce temps où la mort reste ce mystère aussi ridicule et attendrissant qu’un masque d’Halloween posé maladroitement sur le visage d’un enfant. L’adolescent voudrait le lui arracher mais le chérubin refuse, se dérobe, le nargue de ses grands trous noirs et de son sourire macabre. Le gamin recule alors doucement, lâche ses bonbons et s’enfuit au fond de la nuit dans un rire narquois. Le jeune homme ramasse les couleurs qui se sont éparpillées sur le macadam, son souvenir. Il pleure car il n’a pas vu son visage, il n’a pas su le reconnaitre, donner un nom à cette période écartelée entre l’innocence et l’insensible. Les amours y sont éphémères, désespérées, intenses, dérisoires. Il ne voudrait pas les quitter, mais il doit bien s’y résigner. Elle, la mort, l’enfance, l’a abandonné. Il n’a pas de mot pour lui dire adieu car il sent bien qu’elle est toujours là ; elle vit, en lui, dans ces écrits.